Effets prophylactiques du Taichi

Définition

Très simplement, prophylactique signifie qui prévient une maladie, protège la santé contre ce qui peut lui nuire. Cet article a pour but de démontrer les effets prophylactiques de la pratique du Taichi.

Une discipline « corps-esprit »

Le Taichi, avec le yoga et le qigong, sont considérés dans le domaine du sport comme étant des « disciplines "Corps-Esprit". Cette dénomination fait état du lien entre l’activité physique et l’amélioration de la qualité de vie qui en résulte.

 

Le Taichi, en tant qu’activité physique, peut être pratiqué avec une intensité variable en fonction des publics. Son avantage est de pouvoir se pratiquer à une intensité aussi douce que la marche.

 

Il existe une myriade d’études sur les effets prophylactiques du Taichi. Les rapports d'études se trouvent facilement dans la presse spécialisée.

En plus des différents articles que j’ai pu lire dans la presse, j’ai étudié le mémoire de deux étudiantes en faculté des sciences de la motricité de Louvain, madame Sandrine Coppin et Jennifer Demblon. Ce mémoire réalisé en 2018 fait une synthèse des preuves existantes, avec une base de plus de 600 articles scientifiques, sur les effets de la pratique du Taichi chez les patients atteints de Parkinson. Voici le résumé des résultats :

 

« 10 études ont été retenues sur bases de critères d’éligibilité. Les résultats obtenus montrent une amélioration de l’équilibre, de la qualité de vie et une diminution des risques de chutes. De manière plus nuancé, il en ressort également une amélioration de la force des membres supérieurs, des paramètres des membres inférieurs (force et flexibilité), de la stabilité posturale et de la marche. »

 

Afin d’étayer mon propos, je souhaite proposer quelques informations qui relient l’anatomie du corps humain à la pratique du Taichi et qui selon moi faciliteront la compréhension des bienfaits de ces exercices.

Caractéristiques physiologiques et biomécaniques

La pratique du Taichi se caractérise par une gestuelle lente, circulaire et continue. Elle représente des mouvements aux origines martiales. La lenteur a pour but de maintenir une bonne tenue de corps et d'atteindre un état de relâchement profond.

 

La tenue de corps propre au Taichi se caractérise par un léger étirement, sans tension, de la colonne vertébrale tout en conservant les épaules et cage thoracique posées dans les hanches.

L’auto-grandissement de la colonne vertébrale aura pour effet de réduire les courbures lombaire, dorsale et cervicale, libérant ainsi de nombreuses tensions dans le corps, notamment liées aux problèmes de sédentarité.

 

Grace à la tenue de corps et au relâchement, les mouvements effectués en Taichi semblent engendrer une mobilisation globale du réseau des fascias plutôt que de la masse musculaire. La mobilisation des fascias accentue la circulation sanguine dans tout le corps. Le sang transporte les nutriments de l’alimentation et l’oxygène nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme. Une bonne vascularisation permet de lever les adhérences des tissus conjonctifs et de redonner à la structure musculosquelettique ses alignements naturels.

 

Les fascias constituent un réseau de membranes fibreuses du tissu conjonctif de caractère extensible, qui enveloppent les muscles, les os, les artères et les organes. Les fascias, riches en matrice extracellulaire (MEC), servent de « support » aux différents organes du corps humain, et permettent notamment une connexion entre les membres et le tronc. Les fascias sont également le siège des réseaux de drainage du liquide lymphatique.

 

Les fascias ayant subi un stress ou traumatisme, auront tendance à se rétracter et à perdre en élasticité. Les adhérences et augmentations des frictions de ces tissus entraînent une altération de la vascularisation. Ainsi des douleurs aiguës ou chroniques, des crampes musculaires, troubles digestifs, névralgies (ex : sciatique), maux de tête, fatigue peuvent apparaitre.

 

La pratique du Taichi développe la sensation de se mouvoir via le réseau des fascias. Pour ce faire, il est enseigné dans un premier temps la réalisation de gestes très simples en se concentrant sur le relâchement de la zone de l’aine (ou pli inguinal).

 

L’aine est la région intermédiaire entre l’abdomen et la cuisse traversée par le groupe musculaire appelé ilio-psoas. Le psoas démarre au niveau des cinq vertèbres lombaires et rejoint l’iliaque sur la partie antérieure du bassin. Ces deux muscles passent sous le ligament inguinal, zone comportant beaucoup de ganglions lymphatiques.

 

Ces muscles permettent la flexion de la cuisse vers le bassin. Avec une bonne mobilisation ils permettent d’éviter une hyper lordose au niveau des lombaires. L’apesanteur et la fatigue crée au fil du temps une antéversion du bassin et donc une hyper lordose au niveau des vertèbres lombaires souvent synonyme de douleur.

 

S’exercer avec des mouvements simples et lents tout en conservant un relâchement dans la zone du pli inguinal est primordial dans la pratique du Taichi.

Lorsque cette zone est détendue, on ressent une réduction significative de la lordose lombaire et un renforcement des appuis au le sol.

 

Cet alignement vertébral a pour conséquence une réduction des douleurs du dos et permet de développer de nouvelles sensations proprioceptives (l’équilibre et schéma corporel). Nous parlons d’ancrage ou d’enracinement, un fondement de la pratique.

 

La particularité du travail sur le pli inguinal et les composantes anatomiques de cette partie du corps me permettent de proposer l’hypothèse que la pratique du Taichi a un effet direct sur le bon fonctionnement du système lymphatique.

 

La lymphe est un liquide biologique qui contribue à la circulation des globules blancs, nutriments, hormones et produits du catabolisme (déchets) dans l’organisme. Les mouvements du corps et contractions musculaires font circuler la lymphe dans les vaisseaux lymphatiques. L’activité physique a donc un rôle important dans cette circulation.

 

Le système lymphatique joue un rôle essentiel au sein du système immunitaire pour assurer la défense de l’organisme (les globules blancs interviennent dans la destruction des agents pathogènes).

Les ganglions lymphatiques, permettant de filtrer et d’éliminer les toxines que la lymphe transporte, sont répartis dans tout le corps. Il existe des relais ganglionnaires importants, notamment dans l’aine, les aisselles et le cou.

 

Il est donc envisageable que les mouvements effectués avec relâchement dans la zone de l’aine accentuent la circulation sanguine et lymphatique permettant ainsi d’apporter plus de nutriments et de favoriser un meilleur drainage des déchets dans les membres inférieurs.

Caractéristiques Psychiques

Les techniques d’entraînement et la lenteur des mouvements du Taichi permettent de focaliser son esprit sur les sensations dites « internes » du corps. Effectuer des mouvements en maintenant une bonne tenue de corps et un bon niveau de relâchement nécessite beaucoup de concentration.

 

Un échange vertueux s’installe alors entre le corps et l’esprit. Le pratiquant prend le temps de ressentir ce qu’il fait et peut ainsi continuer de développer, même à un âge avancé, ses facultés de concentration et la conscience du corps nécessaires au bon maintien de la santé et de l'autonomie.

 

Un article très intéressant dans la revue Cerveau&Psycho de juillet-aout 2021 propose des rapports d’études sur les bienfaits cognitifs des disciplines corps-esprit. Une étude réalisée en 2019 à l’université de Pékin prouve que la pratique du Taichi a tendance développer le tissu nerveux central, principalement la matière grise (neurones et synapses) et développe les capacités de concentration et d’attention.

 

Tout type d'activité relaxante a pour effet d'activer le système nerveux parasympathique. Ce dernier a pour rôle de ralentir le rythme cardiaque et l'activité respiratoire. Il fait baisser la tension artérielle et stimule la digestion en augmentant les secrétions salivaires, gastriques et intestinales.

 

Pour faire un lien entre la culture médicale chinoise et occidentale je finirai par quelques mots sur le Dan Tian.

 

Ce dernier désigne en médecine traditionnelle chinoise le principal centre énergétique du corps situé au niveau du bas ventre et fait référence à nos viscères. En occident, ces dernières années, nous entendons beaucoup dire que notre système digestif renferme notre « deuxième cerveau ».

 

En effet, au sein de notre système digestif se trouve le système nerveux entérique (SNE). Il est constitué d’environ 500 millions de neurones distribués le long du tube digestif. Le SNE est connecté au système nerveux central via le nerf vague. Le nerf vague permet une communication permanente entre le cerveau et le SNE.

 

De plus, le SNE entretient des relations étroites avec notre système immunitaire puisque le système digestif, en contact direct avec la flore digestive et le microbiote, concentre 70 à 80 % du système immunitaire. (Le ventre notre deuxième cerveau par Alexandra Gros. Le journal CNRS.)

 

Il existe un lien fort entre nos émotions et notre système digestif. Le relâchement et la tenue de corps propres à la pratique du Taichi font descendre le centre de gravité dans le bas ventre. La répartition du poids corps est optimisée et déleste les viscères.

 

Un véritable confort dans toute la zone abdominale est ressenti. Ce confort est probablement lié à l’information de réduction du stress échangé entre le cerveau et le SNE. Le message de détente va se traduire de manière plus subtile par un état de bien-être qui peut se prolonger après la séance.

Conclusion

Pour observer les effets du Taichi, de nombreuses études non randomisées ont été réalisées, souvent sur une base de 12 semaines à hauteur de 3 séances d’une heure par semaine. De manière générale les études prouvent qu’une pratique régulière du Taichi peut prévenir la survenue de maladies et garantir le bien-être et la santé.

 

Sur le plan physiologique, la pratique agit sur les fascias, la circulation sanguine et lymphatique, permet d’avoir un bon alignement de la structure musculosquelettique et de trouver, sur le plan corporel, un bon équilibre entre force et souplesse.

 

Sur le plan psychique, la pratique agit sur le système parasympathique, libère du stress, a un impact positif sur le système digestif, la mémoire et la concentration.

 

Les disciplines "Corps-esprit" permettent d'entretenir de bonnes relations entre le cerveau, le système nerveux entérique et les émotions.

 

La pratique du Taichi détend le corps et de manière plus subtile libère l'esprit des informations stressantes du quotidien. Un corps souple et détendu s'adapte plus facilement à une contrainte, ce qui est transposable à un état d’esprit !

Rédigé par Vincent Curulla, 2 juillet 2021